Lisa de Carvalho et Antoine de La Roncière nous parlent de la programmation d'Émergences

"Il n’y a pas une soirée qui se ressemble dans la programmation" ! Voici la promesse des deux programmateur.trices du festival ; celle de la diversité et de l'émergence artistique, qui ont été remis au centre des priorités. Nous avons rencontré Lisa de Carvalho et Antoine de La Roncière qui ont réalisé conjointement la programmation de cette 21ème édition du festival Émergences, organisé par Jazz à Tours et le Petit faucheux.

C’est votre deuxième édition du festival Émergences à tous les deux. Vous avez pris vos marques chacun dans vos structures et appris à travailler ensemble. Comment s’est passé cette seconde collaboration ?

ANTOINE | L’année dernière ce n’était pas forcément nous qui avions initié les projets qui se sont déroulés pendant l’édition, nos prédécesseur.euses avaient réalisé une bonne partie de la programmation avant notre arrivée. C’était donc un peu une page blanche pour tous les deux cette année.

LISA | Je pense qu’on avait tous les deux l’envie, à la fin de la dernière édition, de remettre en avant la notion d’« Émergence artistique » et en profiter pour valoriser à la fois la scène locale et la scène émergente nationale et internationale.

ANTOINE | Oui, c’est l’axe majeur de la programmation de cette édition. Et lorsqu’il y a une proposition qui sort un peu de ce cadre-ci, c’est le cas notamment de notre ouverture de festival avec Erik Friedlander, c’est l’occasion de lier cette proposition à l’« Émergence », en proposant une rencontre avec des étudiant.e.s et jeunes artistes. C’est tout l’objet de la masterclass du jeudi après-midi.

À partir de cet axe, décrivez-nous cette programmation ?

LISA | On va donc démarrer avec Erik Friedlander et son quartet qui viennent ouvrir le festival au Petit faucheux. Il donnera le lendemain une masterclass aux élèves de Jazz à Tours pour, comme le disait Antoine, faire un lien de transmission entre un artiste qui a de l’expérience et les élèves qui sont en formation chez nous.

On va poursuivre avec une soirée au Bateau Ivre avec un jazz ouvert, notamment celui de Bada-Bada, un projet émergent au niveau national. Puis Pan.tone un groupe constitué d'élèves de Jazz à Tours, porté par Paul Bureau.

Ensuite, on donne carte blanche à Noise Gate, l’association des élèves et anciens élèves de Jazz à Tours le vendredi pour un Barathon, histoire de profiter de la toute jeune scène locale avec des tout nouveaux projets qui se produiront dans les bars de la ville.

ANTOINE | Samedi en fin de matinée nous avons une discussion autour de la place des femmes dans le jazz. Un débat dont on parle assez régulièrement maintenant, là on va se focaliser sur les jeunes artistes. Interviendront lors de cette discussion trois musiciennes du projet Mysterium que l’on retrouvera le soir au Petit faucheux.

L’année dernière nous avions accompagné, le Petit faucheux et Jazz à Tours, un autre projet, celui du Collectif Insanis. Cette année nous avons fait de même avec cet ensemble de 7 musiciennes et le projet Mysterium qui mélange du conte, du chant, de la poésie et plein d’autres choses très intéressantes. Elles montreront donc le fruit de leur travail le samedi 12 novembre à 20h au Petit faucheux.

LISA | J’ajoute que la discussion du samedi matin sera aussi animée par Glaire Witch qui est une émission sur Radio Béton qui promeut la création féminine.

Enfin, on terminera le dimanche à la salle Ockeghem, qu’on adore (rires) ! Parce qu’elle créée vraiment un univers très intimiste parfait pour les projets qui sont programmés ce jour-là :  P.446 (projet émergent local), et Suzanne (projet émergent national).

ANTOINE | Contrairement à l’année dernière, où l’édition était structurée autour de deux têtes d’affiche au début et la fin du festival et à l’intérieur tout un tas de projet émergents, aujourd’hui on commence par un musicien établi qu’on fait converger vers de l’émergence avec la masterclass. Ensuite on va vers de l’émergence pure jusqu’à la fin du festival. 

Outre cette structuration, avez-vous pensé cette programmation avec une thématique particulière ?

LISA | Non pas vraiment. Nous avons surtout adapté la programmation aux différents lieux. Il fallait faire en sorte que la programmation de chaque soirée soit adaptée aux lieux dans lesquels ça joue finalement. On va avoir des sons plus modernes au Bateau Ivre avec Bada-Bada, alliés à un jazz plus traditionnel en ouverture avec Pan.tone. Puis, à Ockeghem, l’acoustique de la salle, nous a fait choisir des projets qui emmènent plus à des choses contemplatives et adaptées au lieu.

ANTOINE | Pas de fil rouge en effet. Artistiquement, le mercredi soir c’est un jazz pur, éclatant, le jeudi un projet jazz, pop, rock électro puis ensuite plutôt de la musique jazz de chambre, du conte etc… Tout un tas de projets qui se calent pour varier les esthétiques. En bref, il n’y a pas une soirée qui se ressemble dans la programmation, que cela soit dans les esthétiques et les lieux.

Un coup de cœur musical personnel dans cette édition ?

LISA | C’est toujours difficile de choisir mais malgré tout j’ai une grosse accroche pour la salle Ockeghem où j’ai aussi hâte d’y découvrir les projets de Suzanne, accompagné par Jazz Migration, et de P.446. Pierre, le porteur de ce projet, rêvait de jouer dans ce type de lieu donc je suis contente qu’on ait pu réaliser un de ses rêves (rires).

ANTOINE | Moi je dirais, pour l’avoir un peu écouté, parce que ce sera un objet très hybride : le projet Mysterium. On parle beaucoup de concert avec des groupes mais je pense que le samedi soir avec Mysterium ça sera très intéressant parce qu’on est vraiment sur un truc assez inédit, le travail qui a été fait par les 7 musiciennes, notamment par Yohna Lalanne, avec de la poésie, du chant, des chœurs, un peu d’humour, du conte, etc. C’est un spectacle transgénérationnel, qui va parler à plein de monde. Je pense que musicalement ça sera assez étonnant.

Cette année c’est le grand retour du Barathon. Pourquoi est-ce important d’inclure cet événement dans le festival Émergences ?

LISA | C’est important de s’ancrer dans le centre-ville de Tours et d’être à portée de mains de tout.e.s, en proposant des soirées gratuites qui parlent à tout le monde et notamment à des personnes qui ne connaissent pas le festival Émergences. Cela permet aussi de leur montrer que le jazz est pour tout le monde.

ANTOINE | Oui et puis le fait d’aller dans les bars on parle à un autre public notamment le public étudiant, qui pourrait rechigner à l’idée d’aller dans une salle de concert. C’est intéressant d’aller toucher ces publics-là qui viennent pour une partie pour Émergences et pour l’autre pas du tout.

LISA | Noise Gate a carte blanche sur cette soirée. On leur donne quelques indications, notamment le nombre de musicien.ne.s et après c’est à eux de choisir les projets et de les repartir dans les bars. Là, en l’occurrence, il y a 4 projets dans 4 bars différents, avec des petites formations. Je pense que ça va être très intéressant et que ça montre aussi la diversité de la scène locale.

Selon vous, quelle est l’identité du festival Émergences ?

ANTOINE | Je partage ce que disait Lisa tout à l’heure dans le sens où nous avons peut-être perdu de vu ces dernières années le nom « Émergences » et ce que ça voulait dire, globalement et dans un festival. D’abord globalement, c’est une population de musiciens et musiciennes, qui sortent d’une l’école ou y sont encore, qui développent leur(s) projet(s), qui ne sont pas encore accompagné.e.s, qui n’ont pas encore de structure définie qui les auraient projeté ailleurs. C’est donc aussi à nous, en tant que festival, de leur donner des opportunités et de la visibilité. C’est pour ça que cette année on ne voulait pas programmer  des tête d’affiches mais plutôt des groupes qui sont au début de leur carrière, de jeunes musiciens, musiciennes, de jeunes projets...

En dehors du festival Émergences, vous souhaitez aller plus loin dans le partenariat Jazz à Tours et Petit faucheux ?

LISA | L’idée c’est que les élèves de Jazz à Tours puissent vraiment s’approprier le lieu du Petit faucheux, qu’ils.elles comprennent son fonctionnement. On le met déjà en place depuis plusieurs années au travers de visites de la salle qui sont organisés en début d’année et puis on essaie aussi de mettre des moments dans l’année pour qu’ils puissent rencontrer notamment Antoine et comprendre son rôle de programmateur et les enjeux de son métier. Et puis, qu’ils puissent également appréhender la scène du Petit faucheux comme un espace à eux, pour eux.

ANTOINE | C’est aussi un exercice pour eux d’être sur scène dans un lieu et c’est notre "rôle" à nous de les accueillir pour qu’ils puissent le faire. Effectivement, nous sommes sur des renouvellement d’équipe assez importants dans nos deux structures et avec la nouvelle direction du Petit faucheux et de Jazz à Tours nous essayons d’aller un peu plus loin. C’est l’idée de co-construction un peu plus poussée et prolongée car c’est vrai que pour le moment nous n’avons pas encore dénoué tous les fils de ce qu’on peut faire. Ça se travaille ensemble !