Communiqué suite à l'agression raciste subie par Ben LaMar Gay, Dorothée Munyaneza et Julianknxx

Nous avons appris avec colère et tristesse l’agression raciste subie à Lyon par les artistes Dorothée Munyaneza, Ben LaMar Gay et Julianknxx, invité·es de la Biennale de la danse. 

Le trio y présentait Version(s), une œuvre puissante mêlant danse, musique et texte, qui interroge la violence que l’on reçoit et que l’on transmet, notamment dans la construction de la masculinité, et la manière dont les corps noirs sont particulièrement vulnérables face à ces héritages et à ces violences systémiques. 

Or, au sortir d’une représentation, alors qu’iels dînaient dans un restaurant de la Croix-Rousse, les trois artistes ont été pris à partie par plusieurs personnes, poursuivi·es à la sortie, insulté·es de propos racistes, jeté·es à terre et frappé·es avec une brutalité extrême. Ben LaMar Gay a été blessé, contraint depuis de porter une attelle. Iels ont été profondément choqué·es. Une plainte a été déposée. 

Comme l’a rappelé Chloé Siganos, directrice du service des spectacles vivants du Centre Pompidou (co-producteur de la carte blanche à Dorothée Munyaneza imaginé avec la Villa Gillet, la Biennale de Lyon et leur partenaire) : « On parle souvent dans les débats et dans les spectacles de la violence, de la tension et de l’extrême vigilance auxquelles sont contraints les corps racisés. La réalité venait malheureusement d’en donner l’exacte illustration. » 

Nous condamnons sans réserve ces violences odieuses. Elles rappellent cruellement que le racisme n’est pas un vestige du passé, mais une réalité brutale et systémique, qui continue de meurtrir les personnes et de menacer la possibilité même de faire société. 

Artiste rare et précieux, véritable poète, Ben LaMar Gay porte avec ses partenaires un travail résolument engagé, qui explore les mémoires, les résistances et la puissance créatrice face aux violences ethno-raciales. Que de tels actes surviennent précisément alors que ces artistes venaient partager ces voix et ces combats rend leur œuvre d’autant plus essentielle. 

Dès le lendemain de l’agression, ces artistes ont tenu à remonter sur scène. Cet acte de courage et de dignité rappelle que la poésie et la musique sont des formes de contre-feu. Leur présence sur scène, leur manière d’affronter l’indicible par la création, nous oblige à être à leurs côtés, à leur donner de la force et à recevoir en retour la force de leur art. 

C’est aussi tout le sens du projet que Ben LaMar Gay porte actuellement en tournée dans nos lieux de jazz. Son dernier album présente sur sa pochette une fleur (photo ci-contre), symbole issu d’un conte afro-américain documenté par l'autrice, folkloriste et anthropologue Zora Neale Hurston : l’esprit de High John de Conquer, protecteur invisible des opprimés, qui traversait l’océan pour envelopper son peuple de joie, même dans les pires violences. Cet esprit rappelle que malgré la brutalité du monde, malgré l’oppression, il y a toujours une force de vie qui persiste, une musique qui surgit et qui permet de survivre, voire de défaire l’oppresseur : « Quelle que soit l’époque, les oppresseurs finissent toujours par se demander : « pourquoi ces gens ne se résignent-ils pas ? Pourquoi trouvent-ils encore le temps de chanter, de danser, de s’enlacer ? Malgré tout ce qu’on leur inflige, comment se fait-il qu’il y ait de la musique en eux ? ». La vraie musique : celle de la vie, que nos disques ne peuvent qu’esquisser. »* 

Ben LaMar Gay convoque les chants de travail, le gospel, le blues, le hip-hop et les musiques de son enfance pour en faire une seule et même conversation, une continuité pleine de détours. Sa musique est une recherche d’un « chant bien particulier », une manière de transformer les blessures en énergie, de protéger un secret tout en partageant une vibration.  

Cette musique n’est pas une abstraction : elle est une archive vivante des résistances, des luttes, des savoirs enfouis qui traversent les générations. Elle est un passage, un relais qui permet à d’autres de poursuivre la route. 

Voilà pourquoi soutenir ces artistes, écouter leur musique, se rassembler autour de leurs concerts est bien plus qu’un simple moment esthétique : c’est une manière active de manifester notre solidarité, de nous donner mutuellement de la force, et de rappeler que l’art, la poésie et la musique répondent à des réalités très concrètes, celles des blessures, mais aussi celles de la résistance et de la dignité. Elles sont des actes de lutte, et se rassembler autour d’elles, c’est refuser ensemble la haine et la peur.  

Au Petit faucheux, comme dans tant de lieux culturels et associatifs, nous affirmons avec force que le racisme et toutes les formes de discrimination et d’exclusion sont insupportables et n’ont pas leur place dans notre société. 

*Extrait d’un entretien de Ben LaMar Gay donné à La Dynamo de Banlieues Bleues