Interview de Jean-Baptiste Apéré (Ensemble Ptyx) et Sylvain Kassap
L’ensemble Ptyx était au Petit faucheux pour préparer le spectacle Kassaperies en collaboration avec le clarinettiste Sylvain Kassap. Nous en avons profité pour poser quelques questions à Jean-Baptiste Apéré, directeur de l’ensemble, rejoints en cours de route par Sylvain Kassap.
Bonjour Jean-Baptiste, peux-tu nous présenter l’ensemble Ptyx ?
JBA : C’est un ensemble, qui fonctionne plus comme un collectif avec des musiciens, techniciens, plasticiens, vidéastes qui ont envie de faire, ensemble, des musiques contemporaines. Ce qui nous intéresse, dans ces musiques, c’est ce qu’elles ont d’actuel, ce qu’elles racontent d’aujourd’hui.
Vous dites que Ptyx n’est « pas un ensemble de musique contemporaine, mais qu’il représente (votre) vision de la musique contemporaine ». C’est quoi cette vision ?
JBA : C’est une expression qu’on emprunte à Randy California, chanteur de Spirit et protégé de Jimi Hendrix. Nous, la musique contemporaine, on n’est pas formé pour, on n’a pas fait de grandes écoles pour en jouer. On met dans ce répertoire ce qui nous habite et ce n’est pas forcément de la musique écrite. J’aime que les musiciens viennent du rock n’roll, de l’électro, du free jazz. On ne fait pas une version clinique, scientifique de la partition. Si on est un peu hors des sentiers battus, ce n’est pas grave.
Sylvain Kassap arrive au Petit faucheux et nous rejoint pour l’interview.
Vous dites interroger la légitimité des frontières entre musique populaires et savantes, occidentales et extra-européenne, écrite et orale. Comment cela s’exprime dans votre musique ?
JBA : Ce qui m’intéresse, c’est de mettre en scène ces musiques. Ce sont des musiques qui ne sont pas faciles d’accès. On emprunte aux codes des musiques actuelles, du théâtre, de la vidéo. Car le public ne vient pas voir un concert de musique contemporaine, ça ne l’intéresse pas. Mais il vient voir un spectacle. L’idée c’est, musicalement, d’emmener les gens quelque part, sans rentrer dans des cases.
Il y a une vraie volonté d’accessibilité, de sensibilisation dans votre projet ? Pourquoi est-ce si important pour vous ?
SK : C’est simple : si on fait pas ça, on est mort !
JBA : On transmet des émotions, une sensibilité. On forme les publics de demain. Que ce soit des oreilles ou des instrumentistes. On va dans les écoles, les collèges, les conservatoires pour transmettre comment se jouent ces musiques. C’est essentiel. Surtout, qu’on est sur un art qui s’échappe…
Comment est né le projet Kassaperies ?
SK : On s’est rencontré par l’entremise du clarinettiste Antoine Moulin, avec qui j’avais travaillé sur d’autres projets. Ça fait deux ans qu’on se croise. J’avais des musiques déjà écrites, que j’ai proposé à Ptyx. Il y a des choses que j’ai écrites spécifiquement. Et on a des projet futurs. Les Kassaperies, c’est un jalon dans un processus à plus long terme.
JBA: C’était l’idée d’un plat qui mijote. On rapporte des ingrédients et on essaie que la sauce prenne.
Quelle place a l’improvisation dans votre processus créatif ?
SK : Moi c’est mon boulot de départ ! C’est même la première fois que je joue de la musique écrite au Petit faucheux. Pour moi, il n’y a pas de de différence fondamentale entre ce qui s’improvise et ce qui s’écrit… Quand j’improvise, j’envoie une carte postale et quand j’écrit, j’envoie une lettre. Je raconte la même chose mais il y en une qui est très fugace et l’autre où on corrige, on peaufine. Ce qui est intéressant avec Ptyx, c’est qu’au départ, j’ai donné des musiques très écrites, et maintenant qu’on se connaît, j’ai moins besoin de préciser des choses dans l’écriture musicale.
JBA : Ce qui est super, c’est que Sylvain fait du sur-mesure. Il écrit en fonction des interprètes de l’ensemble. Il sait ce qu’on peut produire, il nous pousse dans nos retranchements. Pour le violoncelle, c’est le son de Camille, pour la clarinette, celui d’Antoine… Leur manière de jouer.
Comment vivez-vous cette période ?
SK : C’est insupportable de ne pas pouvoir jouer devant des gens, d’avoir un rapport physique au jeu.
JBA : Pour nous, c’est hyper stimulant. On a un devoir de montrer qu’on travaille, qu’il se passe des choses. On a de la chance de pouvoir jouer. On travaille pour avoir des choses à présenter quand tout réouvrira. On fait des concerts en ligne, des podcasts…
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
JBA : On a plusieurs axes de travail. On veut défendre des répertoires de compositrices, pour reposer la question de l’égalité femmes/hommes et ré-équilibrer les choses. Et ensuite, on construit un nouveau spectacle avec Sylvain.
Vous écoutez quoi en ce moment ?
SK : J’ai écouté un clarinettiste turc dont j’ai oublié le nom mais aussi des chants pygmées, Purcell, les Rolling Stones…
JBA : Moi j’ai Goo de sonic Youth sur ma platine. C’est un groupe qui a vraiment poussé la recherche sonore mais qui s’adresse pourtant à un public large. Ça met la patate. Et c’est un groupe qui était très engagé politiquement. On a besoin de ça en ce moment !